Ricx - Introduction

L'imagination au pouvoir!

Telle aurait pu être sa devise, et en tous cas tel a été son parcours artistique. A sa recherche du poétique se mèle un penchant pour la caricature et l'anecdote cocasse. Cette combinaison très personnelle de la fantaisie et du réel génère toute une faune féerique mais parfois trébuchante.

Tout un petit monde qui vit sous les feuilles mortes. De joyeux farfadets, lutins, gnomes et fées mais aussi des fantômes, esprits et chimères. On les voit jouer de la musique, se taquiner, se gonfler d'orgeuil ou rire sous cape, jouer un mauvais tour, admirer la pleine lune, danser sous les étoiles, entamer une farandole animée, observer les hommes du fond de leur cachette, commenter une réunion de sorcières, goûter un breuvage aux vertues magiques, se laisser porter sur une feuille morte dans le vent, réparer des ailes d'insectes, écouter les beaux parleurs, se murer en silence en attendant la fin de l'hiver, transporter des perles de pluie, tenir une boule de feu contre le gel mordant, rêvasser au pied d'un pissenlit, grimper sur un champignon pour guetter une présence humaine, perdre son équilibre sur un fil d'araignée, écouter le rossignol, et même tenir une exposition d'art moderne...

Son influence principale est Arthur Rackham dont il admirait la finesse et la maîtrise technique. Mais il y a aussi Pieter Breughel, les ornementations baroques, les botanistes encyclopédiques du 18ème, le souci du détail d'Anton Pieck, et au début de sa carrière une touche d'expressionisme et de naturalisme flamand.

Années 1910: l'éclosion

Durant son adolescence Ricx découvre son attrait et son aptitude pour le dessin. Un des déclencheurs est l'exposition universelle de Gand en 1913, la gallerie de personnages qu'il y trouve aiguise son don d'observation et son penchant joyeusement malicieux. Rapidement l'imagination est aux commandes et on voit apparaitre une grande quantité de croquis, caricatures et dessins humoristiques dans un esprit étudiant et facétieux bon enfant.

Pendant la guerre 14-18, il est trop jeune pour participer aux combats, mais déja en âge de risquer d'être enrôlé de force pour aider à l'effort industriel de guerre de l'ennemi. Pour l'éviter il se cache, est arrêté, et parvient à s'évader. A l'armistice il s'inscrit dans l'armée. On voit une grande quantité de caricatures de soldats des deux côtés, avec évidemment les traits les plus acides réservés à ceux d'en face. Cette période lui laissera une profonde impression.

Années 1920: l'introspection et la transition

Commençant en autodicacte, il enchaine des petits boulots dont certains font appel à sa créativité tel que le concept de balustrades en fer forgé. C'est l'époque des dessins réalistes, voire naturalistes, ou il croque les gens croisés en rue, les petits métiers aujourd'hui disparus, et on sent une certaine compassion pour la vie de dur labeur portée par des marins, ménagères, brocanteurs, clowns tristes et vendeurs à la sauvette. Peut-être s'identifie-t-il un peu à ces âmes errantes.
Il se marie en 1926 et en partie grâce à cette tournure positive dans sa vie, à la fin de la décennie, il entame l'Ecole des Hautes Etudes pour se former en histoire de l'art et en archéologie. C'est là qu'il a consolidé une connaissance des différents styles historiques qui lui sera utile plus tard.

Années 1930: les initiatives professionnelles

Il commence par fonder son bureau de publicité, pour laquelle il utilise son pseudo Ricx. Il devient également enseignant de dessin à l'école technique de Courtrai. Et à partir de 1938 également professeur de dessin à l'académie de Bruges. Cela lui fait avaler beaucoup de kilomètres en train dans le triangle Gand-Bruges-Courtrai.

Trois fils naissent en cette décennie, ce qui ne manque pas de remplir les journées déja bien longues des deux parents. Et tous les trois hériteront du don du dessin et de la peinture.

Années 1940: les changements

Dès le début de la guerre, il ferme son bureau de publicité pour éviter d'être obligé à travailler pour l'occupant. Il poursuit des cours d'enseignement à Bruges et à Courtrai, restant parfois loger dans une petite chambre à Bruges à cause d'horaires compliqués. Après la libération il doit arrêter les cours à Bruges pour se concentrer sur les cours à Courtrai qui gagnent en importance, notemment en débouchés industriels. C'est ainsi qu'il définit des motifs (stylistiquement justes) pour de grandes quantités d'étoffes confectionnées par l'usine De Witte Lietard à destination entre autres des Etats-Unis.
Il décide de prendre un élan de diplômes pour consolider sa position d'enseignant. Il suit deux licences d'archéologie à l'université de Gand.

Années 1950 et 1960: la consolidation

En 1949 il commence doctorat à l'université de Gand avec pour sujet "Het Westers vloerkleed". Tout en continuant à travailler pour ses cours, il obtiendra son doctorat en 1956.
Il se présente à Hergé en 1952 dans ses studios, mais cela ne se concrétise pas en une collaboration. Il en gardera une aimable dédicace.
La stabilité des cours à Courtrai lui permettent d'atteindre sa pension sans encombres en 1966.

1966 - 1990: la retraite productive

Avec le temps libre, revoilà l'imagination qui revient au devat de la scène, qui se combine de poésie pour aller aux sujets qui lui sont le plus à coeur, rendre visible les mondes cachés des fées et des lutins.
La famille acquiert un cadre propice pour son inspiration, une petite seconde résidence la côte. Cet environnement leur était déja bien familier, mais à présent l'air vivifiant, les paysages des polders, dunes et ruisseaux bordés de saules aux formes biscornues seront disponibles à tout moment à seulement une heure de voiture. Il dessinera d'ailleurs un joli portrait de Fée et lui donnera son nom à la petite villa.

Il devient une fois grand-père, et en tant que petit-fils j'ai encore un souvenir bien vivant de monter à l'étage ou pousser la porte de son atelier de sa maison pour voir l'avancement de son dernier dessin sur le métier. Il ne lésinait jamais sur la préparation, faisant plusieurs brouillons sur papier calque, modifiant la position ou l'expression de l'un ou l'autre personnage, et mettant un très grand soin à reproduire son esquisse à l'encre de chine et aquarelle.